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PIERRE DE RONSARD

Regrets de Du Bellay. L’accent a complètement changé, l’image est plus forte, le chant plus soutenu ; la langue du poète s’est prodigieusement enrichie, en même temps que son horizon s’est agrandi de toutes les perspectives de l’Antiquité découverte. En quelques années, à des dates que l’on peut fixer, la poésie est entrée dans un monde nouveau.

Il y a au moins autant de distance entre l’École lyonnaise et la Pléiade qu’il en est entre la poésie de Fontanes et de Lemercier, déjà chargée d’inspirations neuves, et celle de Lamartine, d’Hugo, de Vigny. Ainsi que les romantiques, Ronsard et ses amis ont bénéficié des dispositions d’un public qu’on avait commencé à dégoûter des vieilles formes. Mais les poètes humanistes, c’est-à-dire ceux qui écrivaient en latin, nombreux alors et trop oubliés, y avaient contribué bien plus que les poètes de langue française. L’idéal des nouveaux venus s’est surtout formé à les fréquenter et à puiser comme eux aux sources antiques.

La « Brigade » de Ronsard (réduite plus tard, par un choix incertain, à une « Pléiade » de sept poètes) n’a pas triomphé sans résistance, mais elle n’a pas lutté longtemps. Sa rupture avec le passé a été à peu près totale, et les survivances qui se glissent dans ses premiers ouvrages s’en sont assez vite éliminées. Le mouvement de notre lyrisme après 1820 n’offre pas plus de prompti-