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XIX

Avant le temps tes temples fleuriront,
De peu de jours ta fin sera bornée,
Avant le soir se clorra ta journée,
Trahis d’espoir tes pensers périront :
Sans me fléchir tes escrits flétriront,
En ton desastre ira ma destinée,
Ta mort sera pour m’aimer terminée,
De tes souspirs noz neveux se riront.
Tu seras fait d’un vulgaire la fable :
Tu bastiras sus l’incertain du sable,
Et vainement tu peindras dans les cieux :
Ainsi disoit la Nymphe qui m’afolle,
Lors que le ciel tesmoin de sa parolle,
D’un dextre éclair fut présage à mes yeux.


MURET

Avant le temps.) Cassandre fille à Priam fut prophète. Il dit que sa Cassandre l’est aussi, et qu’elle luy a desja prédit tous ses malheurs. Fleuriront.) Deviendront blanches et chenues. Ainsi lisons nous souvent aux vieux Romans, la barbe fleurie pour la barbe blanche. [Ainsi Pétrarque. 176. 1. 1604.] Avant le soir.) Tu mourras devant que le cours naturel de vie soit accomply. En ton desastre.) En ton malheur. Ira ma destinée.) Il semblera, que je ne sois née, que pour te rendre malheureux. Noz neveux.) Ceux qui viendront après nous. Il prend neveux, pour ce que les Latins appellent Nepotes. Tu bastiras.) C’est à dire, tu perdras ton temps. La Nymphe qui m’afolle.) Qui me rend fol. D’un dextre esclair.) On pensoit anciennement que les foudres et les esclairs du costé gauche fussent signes et présages de bon heur, et