Page:Ronsard - Œuvres, Buon, 1587, tome 2.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
DES ODES.

Qui deuant l'aube accourt triste à la porte
Du Conſeiller, & là faiſant maint tour
Le ſac au poing attend que Monſieur ſorte
Pour luy donner humblement le bon-iour.
Ici cestuy de la ſage Nature
Les faits diuers remaſche en y penſant,
Et cestuy-là par la lineature
Des mains predit le malheur menaçant.
L'vn allumant ſes vains fourneaux, ſe fonde
Deſſus la pierre incertaine : & combien
Que l'inuoqué Mercure ne reſponde,
Soufle en deux mois le meilleur de ſon bien.
L'vn graue en bronze & dans le marbre à force
Veut le naïf de Nature imiter:
Des corps errans l'Astrologue s'efforce
Oſer par art le chemin limiter.
Mais tels estats les piliers de la vie
Ne m'ont point pleu, & me ſuis tellement
Eſloigné d'eur, que ie n'eus onc enuie
D'abaiſſer l'oeil pour les voir ſeulement.
L'honneur ſans plus du verd Laurier m'agrée,
Par luy ie hay le vulgaire odieux:
Voilà pourquoy Euterpe la ſacrée
M'a de mortel fait compagnon des Dieux.
La belle m'aime & par ſes bois m'amuſe,
Me tient, m'embraſſe, & quand ie veux ſonner,
De m'accorder ſes flutes ne refuſe,
Ne de m'apprendre à bien les entonner.
Dés mon enfance en l'eau de ſes fonteines
Pour Prestre ſien me plongea de ſa main,
Me faiſant part du haut honneur d'Athenes,
Et du ſçauoir de l'antique Romain.