Page:Ronsard - Œuvres, Buon, 1587, tome 2.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
III. LIVRE
ODE XVIII.



D'Où vient cela (Piſſeleu) que les hommes
De leur nature aiment le changement,
Et qu'on ne voit en ce Monde où nous sommes
Vn ſeul qui n'ait vn diuers iugement?
L'vn eſloigné des foudres de la guerre
Veut par les champs ſon âge conſumer
A bien poitrir les mottes de ſa terre
Pour de Cerés les preſens y ſemer:
L'autre au contraire, ardant aime les armes,
Si qu'en ſa peau ne ſçauroit ſeiourner
Sans brauement attaquer les allarmes,
Et tout ſanglant au logis retourner.
Qui le Palais de langue miſe en vente
Fait eſclater deuant vn Preſident,
Et qui piqué d'auarice ſuiuante
Franchit la mer de l'Inde à l'Occident.
L'vn de l'Amour adore l'inconſtance,
L'autre plus ſain ne met l'eſprit, ſinon
Au bien public, aux choſes d'importance,
Cherchant par peine vn perdurable nom.
L'vn ſuit la Court & les faueurs enſemble,
Si que ſa teſte au Ciel ſemble toucher:
L'autre les fuit, & eſt mort ce luy ſemble,
S'il voit le Roy de ſon toict approcher.
Le pelerin à l'ombre ſe delaſſe,
Ou d'vn ſommeil le trauail adoucit,
Ou reſueillé, auec la pleine taſſe
Des iours d'Eſté la longueur accourcit.