Page:Ronsard - Œuvres, Buon, 1587, tome 2.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
DES ODES.

» La Vertu qui n’a cognoiſſance
» Combien la Muſe a de puiſſance,
» Languit en tenebreux ſeiour,
» Et en vain elle eſt ſouſpirante
» Que ſa clarté n’eſt apparente
» Pour ſe montrer aux rais du iour
Mais ma plume qui coniecture
Par ſon vol ſa gloire future
Se vante de n’endurer pas
Que la tienne au ſepulchre meure,
Ny qu’orpheline elle demeure,
Errante ſans honneur là bas.
Ie banderay mon arc qui iette
Contre ta race ſa ſagette,
Pour viſer tout droit en ce lieu
Qui ſe reſiouit de ta gloire,
Et où le grand fleuue de Loire
Se meſle auec vn plus grand Dieu.
Et bien que ta Muſe ſoit telle,
Que de ſoy ſe rende immortelle,
Deſdaigner pourtant tu ne dois
L’honneur que la mienne te donne,
Ny ceſte Lyre qui te ſonne
Ce que luy commandent mes dois.
Iadis Pindare ſur la ſienne
Accorda la gloire ancienne
Des Athletes, Princes & Rois :
Ie veux entonner ta louange,
Et l’enuoyer de Loire à Gange,
Si tant loin peut aller ma vois.
Car il ſemble que noſtre Lyre
Ta race ſeule vueille eſlire

I iiij