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III. LIVRE

Pour ſon Prince dés mainte année.
Ainſi l’vne à ſoy l’attiroit
Sur le berceau demy-couchée,
Et l’autre apres le retiroit
Contre ſa compagne faſchée.
Mais la pauuvre Europe à la fin
Baiſſant le front melancholique,
Par force fiſt voye ay Deſtin
Et quitta l'enfant à l'Afrique.
L'Afrique adonc luy preſenta
Le laict de ſa noire tetine,
Et pleine d'Apollon, chanta
Sur luy ceſte chanſon diuine:
Enfant heureuſement bien-né
(Race du Iupiter de France)
En qui tout le Ciel a donné
Toutes vertus en abondance,
Crois, crois, & d'vne maieſté
Monſtre toy le fils de ton pere,
Et porte au front la chaſteté
Qui reluit au front de ta mere.
Si toſt que l'âge produiſant
Les fleurs de la ieuneſſe tendre,
T'aura fait l'eſprit ſuffiſant
Pour les douces lettres apprendre:
Les trois Graces te meneront
Au bal des Muſes Pegaſides,
Et toute nuict t'abreuueront
De leurs ondes Aganippides.
Mais quand l'ardeur t'eſchaufera
Le ſang bouillant dans les entrailles,
Et que la gloire te fera