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DES ODES.

Mais Iunon ne ſçaura pas
Pour ce coup mon entrepriſe.
A grand' peine auoit-il dit,
Qu'ardant d'approcher s'amie,
De ſon throne deſcendit
Pres de la Nymphe endormie:
Et comme vn Dieu qui ſentoit
D'amour la poignante rage,
A la force s'appreſtoit
De rauir ſon pucellage.
Mais Arne qui l'entre-vit,
Pouſſant l'eau de ſes eſpaules,
Hors des flots la teſte mit
Ceinte de ioncs & de ſaules:
Et deſtournant ſes cheueux
Qui flotoient deuant ſa bouche,
Defend au Prince amoureux
Qu'à la pucelle il ne touche.
Si tu n'as deſir de voir
(Dit le fleuue) ta puiſſance
Serue deſſous le pouuoir
Du fils qui prendoit naiſſance
De ceſte Nymphe & de toy:
Et ſi touſiours tu veux eſtre
Des Dieux le pere & le Roy,
Sans attendre vn plus grand maiſtre,
Ceſſe ceſſe de tenter
Faire ceſte Vierge mere,
Qui doit vn iour enfanter
Vn fils plus grand que ſon pere,
Fils qui donnera ſes lois
Soit en paix, ou ſoit en guerre,