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III. LIV. DES ODES.

Et là ſous les monceaux de tant de murs veincus
Deterrer le renom du fils d'Hector Francus:
Lequel en s'embarquant ſous ta conduite, Sire,
Au haure de Buthrote à la coſte d'Epire,
Deuiendra hazardeux au mileu des dangers
Des Gregeois ennemis & des flots eſtrangers,
Gaignant la mer Euxine, & l'emboucheure large
Où le cornu Danube en la mer ſe deſcharge:
Là contremont ſon eau, coſtoyant les Gelons,
Les Goths, les Tomiens, les Getes, les Polons,
Aborder en Hongrie, & là baſtir la ville
De Sicambre au giron d'vne plaine fertile.
Là, quittant la nauire à l'abandon des flots
Ie deuiendrois maçon, & chargerois mon dos
De mainte groſſe pierre aux compas agencée,
Pour aider à baſtir ſa ville commencée.
Mais quand deſia les murs ſeroient paracheuez,
Et qu'on verroit au ciel les Palais eſleuez,
Et quand plus les Troyens d'aſſeureroient à l'heure
Auoir là pour iamais arreſté leur demeure:
Las ! il faudroit quitter leur baſtiment ſi cher,
Et par deſtin ailleurs autres maiſons chercher.
Cerés vindicatiue à grand tort courroußée
Contre eux d'auoir ſans feu ſa chapelle laißée,
Gaſteroit la campagne & d'vn cœur deſpité
La famine eſpandroit par toute la cité.
Lors Hector repouſſant ſa charge ſepulcrale
(La nuict par le congé de la Royne infernale)
Prendroit en reſemblance & la bouche & les yeux
Et la voix d'Amyntor grand Augure des Dieux,
Et admoneſtroit ſon enfant d'aller querre
Deſſus les bords de Seine autre nouuelle terre,

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