Page:Ronchaud - Le Filleul de la mort, 1880.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De ton enfant je serai le parrain,
Si tu veux bien de moi. » Notre Lorrain
Reste d’abord un moment sans rien dire.
Aux pieds du Christ il se traîne, il soupire ;
Puis tout à coup, — le rustre est raisonneur, —
Levant la tête, il répond au Seigneur :
« Mon doux Jésus, qui, par votre supplice,
Avez sauvé le monde et racheté
De ses péchés la triste humanité,
Pardonnez-moi si de votre justice
J’ose douter, sachant votre bonté.
Mais quand je vois du peuple la misère
Et des tyrans le règne sur la terre,
Mon humble esprit se demande parfois
Ce qu’ici-bas vous êtes venu faire,
Et qu’a servi votre mort sur la croix ?
À ces enfants dont vous êtes le père,
Juste envers tous, ne pouviez-vous, Seigneur,
Donner la paix au défaut du bonheur ?
Pardonnez-moi ma parole sincère :
Est-ce du monde une loi nécessaire,
Celle qui fait ce partage inégal,
Du bien aux uns, pour les autres du mal ? »

Jésus sourit. Il aurait pu répondre
Au paysan sans doute et le confondre.