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met de voir. Comme le dit M. Yves Mainor[1], il faut considérer « au-delà des hommes et des idées, l’humanité et l’âme », et que « les œuvres individuelles n’ont de valeur que par leur puissance d’action générale et par leur don de refléter l’universel ».

C’est ce qu’a fait Édouard Schuré. Il a discerné qu’en dépit de divergences apparentes, et même réelles, dans leur concept de l’univers, ces hommes avaient, à leur insu, apporté chacun leur pierre au noble édifice de l’immortelle Pensée. L’anarchisme d’un Nietzsche aboutit quand même à faire ressortir la toute-puissance de la conscience, la plénitude du Moi, — tandis que sous son œuvre de peintre, Gustave Moreau dissimule la nécessité de hiérarchiser les âmes et d’en discipliner l’élan par une logique évolution.

Que sont ces êtres, de leur vivant méconnus et que la postérité souvent raille ? Ce sont des solitaires, dans leur dédain drapés et qui n’ont eu que le tort de vouloir monter plus haut que la vie.

Sublime audace qu’a comprise le critique à travers leurs pages désolées. C’est qu’ « ils ont reçu le don de seconde vue, nous dit-il, et expient, par une sorte de proscription, le dangereux privilège de vivre dans le futur ».

Et cependant, ce sont ces lutteurs-là qui font avancer le monde.

Il est bon d’en avoir groupé les vigoureuses tendances idéalistes ou panthéistes, d’avoir placé

  1. Op. cit.