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e. cosquin

et chanter. « Enfin, » s’écria-t-il, « j’ai donc trouvé la rose qui parle ! » Et il s’empressa de cueillir une des roses.

Aussitôt un loup blanc s’élança sur lui en criant : « Qui t’a permis d’entrer dans mon château et de cueillir mes roses ? Tu seras puni de mort : tous ceux qui pénètrent ici doivent mourir. ― Laissez-moi partir, » dit le pauvre homme ; « je vais vous rendre la rose qui parle. ― Non, non, » répondit le loup blanc, « tu mourras. ― Hélas ! » dit l’homme, « que je suis malheureux ! Ma fille me demande de lui rapporter la rose qui parle, et, quand enfin je l’ai trouvée, il faut mourir ! ― Écoute, » reprit le loup blanc, « je te fais grâce, et, de plus, je te permets de garder la rose, mais à une condition : c’est que tu m’amèneras la première personne que tu rencontreras en rentrant chez toi. » Le pauvre homme le promit et reprit le chemin de son pays. La première personne qu’il vit en rentrant chez lui, ce fut sa plus jeune fille.

« Ah ! ma fille, » dit-il, « quel triste voyage ! ― Est-ce que vous n’avez pas trouvé la rose qui parle ? » lui demanda-t-elle. ― « Je l’ai trouvée, mais pour mon malheur. C’est dans le château d’un loup blanc que je l’ai cueillie. Il faut que je meure. ― Non, » dit-elle, « je ne veux pas que vous mouriez. Je mourrai plutôt pour vous. » Elle le lui répéta tant de fois qu’enfin il lui dit : « Eh bien ! ma fille, apprends ce que je voulais te cacher. J’ai promis au loup blanc de lui amener la première personne que je rencontrerais en rentrant dans ma maison. C’est à cette condition qu’il m’a laissé la vie. ― Mon père, » dit-elle, « je suis prête à partir. »

Le père la conduisit donc au château. Après plusieurs jours de marche, ils y arrivèrent sur le soir, et le loup blanc ne tarda pas à paraître. L’homme lui dit : « Voici la personne que j’ai rencontrée la première en rentrant chez moi. C’est ma fille, celle qui avait demandé la rose qui parle. ― Je ne vous ferai point de mal, » dit le loup blanc ; « mais il faut que vous ne disiez à personne rien de ce que vous aurez vu ou entendu. Ce château appartient à des fées ; nous tous qui l’habitons, nous sommes féés[1] ; moi je suis condamné à être loup blanc pendant tout le jour. Si vous gardez le secret, vous vous en trouverez bien. »

La jeune fille et son père entrèrent dans une chambre où un bon repas était servi ; ils se mirent à table, et bientôt, la nuit étant venue, ils virent entrer un beau seigneur : c’était le même qui s’était montré d’abord sous la forme du loup blanc. « Vous voyez, » leur dit-il, « ce qui est écrit sur la table : Ici on ne parle pas. » Ils se promirent tous les deux encore une fois de ne rien dire. La jeune fille s’était retirée depuis quelque temps dans sa chambre, lorqu’elle vit entrer le beau seigneur.

  1. Féés, c’est-à-dire enchantés.