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428 P. MEYER

de porter le premier coup, et j’y frapperai de telle façon qu’ils rentreront deux fois plus vite1, et moi avec eux si on ne me ferme pas la porte.

VII. Et si j’atteins quelqu’un de ces jaloux, de ces intrigants qui en dessous attaquent la supériorité d’autrui, et, ouvertement comme en cachette, abaissent joie, vraiment ils sauront quels sont les coups que je frappe, car leur corps fût-il de fer ou d’acier, ce ne leur vaudrait une plume de paon !

Dame Vierna, la merci de Montpellier, et vous seigneur Rainier, maintenant vous aimerez un chevalier2, et de ce que par vous mon bonheur s’est accru, je rends grâces à Dieu.

Je veux maintenant revenir sur quelques-unes des leçons nouvelles que j’ai adoptées, afin de montrer que non-seulement elles sont autorisées par les mss., ce que montre suffisamment la série des variantes, mais encore qu’elles présentent le sens le meilleur. Mais tout d’abord, un mot sur la métrique. On remarquera que dans cette pièce, l’hémistiche n’est point régulièrement placé, comme c’est l’usage presque constant des troubadours qui ont employé le vers décasyllabique, après la quatrième syllabe. Ainsi les vers i, 2, 9, sont coupés après la cinquième syllabe. Il en est autrement chez M. Bartsch, qui imprime ces trois vers ainsi qu’il suit :

Drogoman senher, s’eu agues bon destrier,
En fol plag foran intrat tuit3 mei guerrier...
La terra crotla per aqui on eu vau.

Ce sont là des vers de chanson de geste, ayant à l’hémistiche une syllabe atone qui ne compte pas dans la mesure. M. Bartsch signale justement ce fait (voy. sa préface, p. lxxiii) comme tout à fait excep tionnel. En réalité, c’est une faute des mss. auxquels il s’est fié. M. Bartsch lui-même a cité (Préface, l. /.) toute une série de vers qui présentent exactement la même coupe que le premier vers de mon texte : Drogoman seiner | s’agues bon destrier. D’une façon générale on peut dire que P. Vidal, bien qu’il observe en général la règle qui dans les vers décasyllabiques, place l’hémistiche après la quatrième syllabe, coupe souvent son vers après la cinquième ou même après la sixième, sans jamais admettre (ce que font les chansons de geste) une syllabe atone en surcroît à l’hémistiche.


1 Doblier est ici une expression proverbiale, dont le sens général , au moins, est assez clair. Peut-être faudrait-il adopter la leçon de B a doblier ; cf. ces vers de la chanson de la croisade d’Albigeois (7888-90) :

Senher coms de Montfort, cent merces vos refer
Car en tant pauca d’ora m’avetz fait thesaurier
De l’aver de Tholoza quem donatz a doblier.

2. Je traduis d’après la correction proposée en note.
3. Tuit dans le texte (p. 60), mais li dans la préface (p. lxxiii).