Page:Romains - Les Copains.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.

épaisseur ; et on n’entendait qu’un petit grouillement d’eau, tantôt à droite, tantôt à gauche.

Les copains, un sac sur l’épaule, ou une musette en bandoulière, s’avançaient à la file. Ils étaient contents d’une foule de choses, d’avoir une bande de ciel clair sur leurs têtes, d’être engagés si profondément dans une forêt si ténébreuse, et d’aller où ils allaient.

Ils étaient contents d’être sept bons copains marchant à la file, de porter, sur le dos ou sur le flanc, de la boisson et de la nourriture, et de trébucher contre une racine, ou de fourrer le pied dans un trou d’eau en criant : « Nom de Dieu ! »

Ils étaient contents d’être sept bons copains, tout seuls, perdus à l’heure d’avant la nuit dans une immensité pas humaine, à des milliers de pas du premier homme.

Ils étaient contents d’avoir agi ensemble, et d’être ensemble dans un même lieu de la terre pour s’en souvenir.