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L’sillon fini, faisant leur demi-rond d’eux-mêmes,
I’s en r’commençaient un auprès, juste à l’endroit ;
J’avais qu’à l’ver l’soc qui, rentré doux, r’glissait droit…
Ainsi, toujours pareil, du p’tit jour au soir blême.

C’était du bel ouvrage aussi m’suré q’leur pas,
Q’ça soit pour le froment, pour l’avoin’, pour le seigle,
Tous ces sillons étaient jumeaux, droits comme un’ règle,
Et l’écart entr’ chacun comm’ pris par un compas.

Par exempl’, fallait pas, dam’ ! q’la chanson les quitte !
À preuv’ que quand, des fois, j’la laissais pour prend’ vent,
I’ s’arrêtaient d’un coup, r’tournaient l’mufle en bavant,
Et beurmaient tous les deux pour en d’mander la suite.

Mais, c’est pas tout encor, dans l’air de la chanson
I v’laient d’la même tristesse ayant toujou l’mêm’ son,
À cell’ du vent et d’l’arb’ toujou ben accordée.
Mais d’la gaieté ? jamais i’ n’en voulur’ un brin !

Ça tombait ben pour moi qui chantais mon chagrin.
Ya donc des animaux qu’ont du choix dans l’idée
Et qu’ont l’naturel trist’ puisque, jamais joyeux,
Dans la couleur des bruits c’est l’noir qu’i’ s'aim’ le mieux.