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Je suis cette ébauche terreuse,
Son graduel façonnement,
Et je vois dans chaque moment
La goutte du temps qui la creuse.

Ma vision d’inanité
Ne perçoit plus même l’atome,
Puisque pour moi tout est fantôme
En face de l’éternité.

Je sais que ma pensée avide,
Au bout de son effort géant,
N’a violé que du néant
Et n’a pénétré que du vide.

C’est pourquoi rejetant l’orgueil
Comme un bouclier qui nous leurre,
Je m’avance à ma dernière heure
Revêtu de mon propre deuil.