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LE DÉSESPOIR

Il faut penser à ce que fut le sac de Rome et la chute de Florence pour les âmes d’alors : une faillite effroyable de la raison, un écroulement. Beaucoup ne s’en relevèrent plus.

Un Sébastien del Piombo tombe dans un scepticisme jouisseur :

J’en suis venu à ce point que l’univers pourrait crouler, sans que je m’en soucie, et je me ris de toute chose… Il ne me semble pas que je sois encore le Bastiano que j’étais avant le sac, je ne puis revenir à moi.[1]

Michel-Ange pense à se tuer :

Si jamais il est permis de se donner la mort, il serait bien juste que ce droit appartînt à qui, plein de foi, vit esclave et misérable.[2]

Il était dans une convulsion d’esprit. Il tomba malade en juin 1531. Clément VII s’efforçait en vain de l’apaiser. Il lui faisait dire par son secrétaire et par Sébastien del Piombo de ne pas se surmener, de garder la mesure, de travailler à son aise, de faire parfois une promenade,

  1. Lettre de Sébastien del Piombo à Michel-Ange (24 février 1531). C’était la première lettre qu’il lui écrivait après le sac de Rome :

    « Dieu sait combien j’ai été heureux qu’après tant de misères, de peines et de dangers, le Seigneur tout-puissant nous ait laissés vivants et en bonne santé par sa miséricorde et sa pitié : chose vraiment miraculeuse, quand j’y pense… Maintenant, mon compère, que nous avons passé par l’eau et par le feu, et que nous avons éprouvé des choses inimaginables, remercions Dieu de toutes choses, et ce peu de vie qui nous reste, passons-le du moins dans le repos, autant que possible. Il faut compter bien peu sur ce que fera la Fortune, tant elle est méchante et douloureuse… »

    On ouvrait leurs lettres. Sébastien recommande à Michel-Ange, suspect, de déguiser son écriture.

  2. Poésies, XXXVIII. Voir aux Annexes, VIII.
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