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LA FORCE

côté, je te montrerai des choses qui te feront pleurer des larmes brûlantes et connaître sur quoi tu fondes ton arrogance… Si tu veux t’appliquer à bien agir, à honorer et à vénérer ton père, je t’aiderai comme les autres, et, sous peu, je te procurerai une bonne boutique. Mais si tu ne fais pas ainsi, je viendrai, et j’arrangerai tes affaires d’une telle façon que tu connaîtras qui tu es, et que tu sauras exactement ce que tu as au monde… Rien de plus ! Où les paroles me manquent, je supplée par les faits.

Michelagniolo à Rome.

Deux lignes encore. Depuis douze ans, je mène une vie misérable par toute l’Italie, je supporte toute honte, je souffre toute peine, je déchire mon corps par toutes les fatigues, j’expose ma vie à mille dangers, uniquement pour aider ma maison ; — et maintenant que j’ai commencé à la relever un peu, tu t’amuses à détruire en une heure ce que j’ai édifié en tant d’années et avec tant de peines !… Corps du Christ ! Cela ne sera point ! Car je suis homme à mettre en pièces dix mille de tes semblables, si cela est nécessaire. — C’est pourquoi, sois sage, et ne pousse pas à bout quelqu’un qui a bien autrement de passions que toi ![1]

Puis, c’est au tour de Gismondo :

Je vis ici dans la détresse et dans une très grande fatigue de corps. Je n’ai aucun ami d’aucune espèce, et je n’en veux pas… Il y a bien peu de temps que j’ai les moyens de manger à mon gré. Cessez de me causer des tourments ; car je n’en pourrais plus supporter une once.[2]

Enfin le troisième frère, Buonarroto, employé à la maison de commerce des Strozzi, après toutes les

  1. Lettre à Giovan Simone. Datée par Henry Thode : printemps 1509 (dans l’édition Milanesi : juillet 1508.)

    Noter que Giovan Simone était alors un homme de trente ans. Michel-Ange n’avait que quatre ans de plus que lui.

  2. À Gismondo, 17 octobre 1509.
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