l'antiquité et le drame lyrique florentin. 77
jusqu'à ce qu'ils retombent sur de nouvelles consonnances capa- bles d'être notées (1). Il fait une étude des modes et des accents qui servent dans la douleur, la joie, les passions. Péri ne répond pas d'ailleurs de rester fidèle à la pensée antique; mais le style qu'il retrouve, lui semble le seul qui puisse se prêter dans notre musique moderne à l'expression du drame.
Ses intelligentes recherches, et les musiques qu'il composa à l'appui de ses théories, pour la Dafné, charmèrent Rinuccini et Corsi. On les fit entendre d'abord dans un cercle d'amis, qui en furent enchantés; puis, un soir du Carnaval 1597, la Dafné fut représentée dans la maison de Corsi , en présence du grand-duc Ferdinando- Medici, des cardinaux dal Monte et Montalto, de Piero Strozzi, Francesco Cini, et d'une foule de gentilshommes (2). Ce fut un coup de foudre. « Le plaisir et la stupeur, qui saisirent l'âme des auditeurs devant ce spectacle si nouveau, ne se peut exprimer (3). » On était venu avec défiance; il semblait que le chant dût alourdir la parole et « engendrer l'ennui; » Rinuccini lui-même n'avait qu'à demi confiance dans le succès (4). Le spec- tacle fut une révélation. Il n'y eut personne qui ne sentît qu'on était en présence d'un art nouveau. Plusieurs représentations se succédèrent. La célèbre Vettoria Archilei (5) ajoutait au succès par la beauté dramatique de son chant. Trois années de suite, au carnaval, la Dafné fut reprise avec le même succès.
Rinuccini, enflammé par la victoire, se remit à l'œuvre avec Péri, et composa YEtiridice (6). Elle fut représentée en grand ap-
��(1) Notre plus grand tragédien moderne, M. Mounet-Sully, qui n'a certes pas connaissance de Péri , me faisait part de ses recherches toutes sembla- bles pour la création d'un style récitatif et lyrique qui tint le milieu entre la phrase musicale et le vers déclamé, passant de tons précis à d'autres tons précis, par une série de quarts de ton, ou dégradations de ton non suscep- tibles d'être notés, mais perçus avec précision par l'oreille.
(2) Préfaces de Rinuccini et de Péri à Euridice, 1600. « Che nella nobiltà fiorisce hoggi la musica. » La partition de la Dafné est perdue. En 1608, Gagliano fit une nouvelle musique (conservée jusqu'à nous) sur le livret de Rinuccini.
(3) Préface de Gagliano à sa Dafné.
(4) Ibid.
(5) Vettoria Archilei (1550 ou 1560-1640), « l'Euterpe de notre temps » (Péri) (Voir aussi la lettre de P. délia Valle à Lelio Giudiccioni, 16 jan- vier 1640). Elle n'était point belle, mais la première chanteuse de l'époquo. Elle ornait le chant écrit, de longs « giri » et « gruppi » qui le défiguraient , mais qui étaient fort à la mode , et dont lo chanteur Péri fait grand éloge.
(6) Jacopo Péri, Le Musiche di J. P. nobil fiorentino sopra VEuridice, del sig. Ottavio Rinuccini , rappresentate nello Sponsalizio délia Cristia-
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