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32 LES ORIfUNES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

vention musicale à plusieurs parties suit le texte, eu paraphra- sant, sinon les mots, l'intention générale. Les maîtres de la se- conde moitié du siècle travaillent h préciser sa valeur expressive. Don Gesualdo, prince de Venosa, portera dans ce genre mondain, de 1585 à 1613 (six livres de madrigaux), l'énergie dramatique que Palestrina donne à sa musique d'église; il n'a point sa séré- nité de cœur, mais une hardiesse d'expression qui ne recule point devant les duretés d'harmonie les plus inattendues.

Ce style polyphonique était assurément moins justifiable dans l'art profane que dans l'art religieux, dont les sentiments sont simples et généraux. Il l'était d'autant moins que la poésie était arrivée à un raffinement delà forme, qui eût exigé de la musique la plus subtile délicatesse. Le lourd et impassible contrepoint pe- sait de tout son poids sur le frêle tissu et détruisait sa grâce (1).

Aussi voit-on se former bientôt contre la musique de l'époque, un mouvement de réaction en faveur de la mélodie. Il est dirigé par les poètes, les lettrés, les chanteurs, et a son centre à Flo- rence. Nous ferons son histoire au chapitre suivant. Nul doute qu'il ne doive son succès, autant à l'amour-propre intéressé des virtuoses, qu'aux savantes méditations des archéologues. Il est surprenant en effet, que les chants pour une seule voix aient eu tant de peine à s'établir, dans un temps où brillaient de grands chanteurs comme Jacopo Péri, Giulio Gaccini, Honofrio Galfre- ducci, Melchior Palantrotti, Vittoria Archilei , etc.

Les révolutions dans un art ne s'accomplissent d'ordinaire que par le secours d'éléments étrangers à cet art (2). Ici , les nova-

��(Nuova musica, où il met en musique des poésies de Pétrarque, 1559); Ci- priano Rore, Costanzo Porta, Palestrina, Orlando Lasso, Orazio Vecchi, Luca Marenzio, principe di Venosa. Nous reverrons quelques-uns de ces noms. Le madrigal persiste jusqu'à la fin du dix-septième siècle ; plus tard encore, dans les duos et trios de chambre, et la cantate de chambre de Le- grenzi, Clari, Lotti, Scarlatti et Marcello.

(lj La musique avait alors le nom de « démolisseur de la poésie. » Il pour- rait lui convenir encore, mais le mal est moins grand.

Voir dans Winterfeld, le récit des noces de Bianca Capello avec le grand duc Francesco de Medici , 1579, Florence (Galluzzi, Storia del grandu- cato di Toscana, IV, 4). Les plus fameux musiciens de Florence et de Ve- nise (Claudio Merulo, Andréas Gabrieli, Vincenz Bell'aver, Balthasar Do- nat, Orazio Vecchi, Tiburzio Massaini) mettent en musique une sestina en l'honneur de Bianca. Chacun fait sa strophe en docte contrepoint; les ri- mes de cristal et le charme vaporeux s'évanouissent aussitôt.

(2) Ainsi pour la musique de Gluck au dix-huitième siècle, pour Wagner vers 1860, pour la peinture romantique, etc.

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