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LA DÉCADENCE ITALIENNE. 281

gnols, de flèches, de tremblements de terre et d'éclairs. — Pour ter- miner l'opéra, il amènera une scène d'une décoration splendide, afin que le public ne parte pas avant la fin, et il ne manquera pas d'y ajouter le chœur habituel en l'honneur du soleil, de la lune ou du directeur (1). »

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��Ajoutez à la décadence intellectuelle une extraordinaire immo- ralité; j'y ai fait allusion à la fin du chapitre V. — Elle force les papes à entrer en lutte avec l'Opéra, et on dépense de part et d'autre plus d'ardeur et plus de haine pour cette lutte, que pour les guerres politiques. L'héritage des Barberini et des Rospi- gliosi était lourd à porter. Le théâtre public de Tor di Nona, commencé vers 1660, remis à neuf avec magnificence en 1671 par le comte d'Alibert, factotum de Christine de Suède, devint le spectacle des scènes les plus scandaleuses. Le pape Alticri (Clé- ment X) (1670-1674), le premier, montra quelques velléités do résistance au débordement du cabotinage et de la corruption. Innocent XI Odesca'chi, papa Minga (2) (1676-1689), entreprit résolument la lutte. Il défendit les spectacles publics vénaux (c'est-à-dire à billet payant), et voulut rendre impossibles les spectacles privés et gratuits, en frappant les chanteurs mondains de l'interdiction de chanter dans les. églises, et en défendant aux femmes de réciter et de chanter sur les théâtres de société. On y répondit en faisant venir des chanteurs du dehors, et en recou- rant aux expédients pour la gratuité du spectacle. Pour mettre fin aux scandales qui se cachaient dans les loges fermées au Tor di Nona, le pape fit abattre les cloisons et communiquer les lo- ges. On se gêna si peu, qu'un an après, le pape était contraint do faire remettre les grillages; le scandale était devenu pire. La

(1) Bcnedctto Marcello, II teatro alla moda, trad. franc. d'E. David, 1890. Fischbachcr.

Cette spirituelle satire, la plus violente qu'un Italien ait jamais écrite con- tre l'opéra italien, date, il est vrai, de près d'un demi-siècle plus tard, vers 1720, c'est-à-dire en plein triomphe de Scarlatti, et de son vivant encore.

11 est à remarquer d'ailleurs que Marcello, dans sa lutte contre l'art de son temps, revient à Provenzale, dont il imite le style, et souvent de trda près. Je dois cette observation à M. Lucien Michelot, maître de chapelle à Notro-I)ainc-des-Champs. Nous avons retrouvé dans divers Psaumes do Marcello, des souvenirs très exacts, et presque dos copies, des plus bcllos pages de Provenzale (par exemple de l'air do Timante. — Voir l'Appendice).

(2) « Minga » = « qui dit toujours non » (en milanais).

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