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DE L'UNION DE LA MUSIQUE ET DU DRAME. 15

l'ensemble ; l'expression se concentre et se simplifie, et devient par excellence la langue de l'action dramatique.

Nous avons dit que l'expression de l'âme était l'essence de la musique. La note sonore s'adresse au plus délicat et au plus pas- sionné de nos sens artistiques, l'ouïe, sans cesse intéressée à notre vie morale, et qui seule nous met en rapport avec l'être intime, le monde intérieur, de ceux qui nous entourent. Elle éveille en nous un infini d'échos, et le musicien qui crée n'a qu'à laisser vibrer ses souvenirs et ses passions ; tout ce qu'il sent devient musique. Son âme est la boîte de Psyché, où les voix du passé et les cris intérieurs, les accents concentrés, flottent en harmonies prêtes à s'échapper. Quand il est grand artiste, il peut sans les troubler, prendre connaissance de leurs forces et en user à son gré. Chacune est inconsciente, et chacune pourtant est la voix d'un sentiment distinct. C'est une psychologie, dont le cœur a la clef.

La description des faits extérieurs offre moins de ressources et bien plus de dangers. Malgré les sonorités et les rythmes épars dans la nature, et qu'un musicien peut retrouver dans le flot ca- dencé, dans l'orage qui gronde, dans la forêt agitée, dans le chant des oiseaux , il sera toujours impossible d'en faire un tableau exact. Certes, il y a une musique dans une belle journée d'été lorsque , au grand soleil , couché dans une prairie , les yeux fermés, on s'abandonne au murmure des choses, au silence vi- brant des êtres invisibles ; le spectacle intérieur n'est pas moins pénétrant que le charme divin des couleurs et des formes ; mais il est intérieur. Ce n'est pas ces cris d'insectes, ce bourdonne- ment de la.terre, ce frôlement du vent, qui nous pénètrent si ten- drement ; c'est tout notre être à la fois qui se sent pris avec pas- sion par tout l'être des choses, et l'artiste qui voudrait rendre la nature bien-aimée, devrait , comme Beethoven au bord du ruis- seau, et Wagner dans la forêt, la chercher dans l'extase profonde, dans l'obscurité frémissante de notre âme qui rêve. Le musicien doit toujours transposer en émotions les actions et les faits qui s'adressent aux autres sens. Il ne doit pas disputer à la vue les couleurs et le mouvement plastique ; il doit les guetter à l'entrée du cœur, au seuil du sanctuaire mystérieux, où tout se transforme en « âme. » Les musiciens qui font de la peinture (ils sont nom- breux par malheur) prennent la lettre pour l'esprit et le matériel des sons pour leur âme cachée.

Les adversaires de l'opéra ont attaqué la musique dans ces trois moyens d'expression. Malgré sa puérilité, le dernier a trouvé le

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