254 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.
nouvelait le genre dans ses charmantes comédies-ballets (1), art exquis, complet, vraiment français, qu'il n'eut malheureusement pas le temps de fonder en France, et dont il laissa seulement un petit nombre de modèles.
Le 28 juin 1669, Perrin obtint des lettres patentes « donnant per- mission d'établir par tout le royaume des académies d'opéra , ou représentations en musique en langue française, sur le pied de celles d'Italie (2). » Il s'associa Gambert pour la musique, le mar- quis de Sourdéac pour les décors et les machines, Bersac de Ghamperon pour les finances. On forma la troupe avec une levée de chanteurs dans le Midi. On l'exerça à l'hôtel de Ne- vers (3), et, le 19 mars 1671, l'opéra français (4) fit son entrée dans le monde, avec Pomone (5), pastorale en cinq actes et un prologue.
C'est un pauvre opéra. A vrai dire , il ne prétend même pas à ce titre. Nulle action dramatique ; nul effort pour exprimer les passions. C'est tout au plus si l'amoureuse mélancolie de Ver- tumne annonce, en une assez jolie page, le récitatif de Lully;
��grès). Benserade annonce qu'il va se retirer dans le rondeau aux dames, du Ballet de Flore (1669). Il reparaît pourtant, mais pour finir, en 1681, avec le Triomphe de l'Amour (Saint-Germain). A cette époque, le ballet est de- puis longtemps en décadence. Après la fondation de l'Académie royale de la danse (1661), il est passé au théâtre, en y prenant un caractère dramatique.
(1) 1661, Les Fâcheux ; 1664, La Princesse d'Elide, Le Mariage forcé; 1665, L'Amour médecin; 1666, Mélicerte , Pastorale comique; 1667, Le Sicilien; 1668, George Dandin; 1669, Monsieur de Pourceaugnac ; 1670, Les Amants magnifiques, Psyché; 1671, Ballet des ballets; 1673, Malade imaginaire. — Voir plus loin.
(2) Les termes mêmes de cette déclaration montrent bien le caractère fac- tice du drame lyrique en France. C'est une imitation de l'Italie. Voir le texte du brevet dans le P. Menestrier, p. 236.
(3) Emplacement de la galerie des Imprimés, à la Bibliothèque Nationale.
(4) Salle du Jeu de Paume de la Bouteille ; emplacement : rue Mazarine , passage du Pont-Neuf. La troupe de Perrin était composée de cinq hom- mes , quatre femmes, quinze choristes et treize symphonistes à l'orchestre. — Il n'est pas inutile de montrer ici la progression de l'orchestre à l'Opéra français : En 1671, on compte 13 musiciens; en 1673, 19; en 1687, 33; en 1713, 47; en 1768, 56; en 1777, 68; en 1803, 78; en 1847, 85; en 1880, une centaine.
(5) La Bibliothèque Nationale possède l'unique exemplaire du premier acte de Pomone, seul conservé, avec quelques scènes du second. Le Con- servatoire en a une copie ancienne. Les personnages étaient : Vertumne (haute-contre), Cledière ; Pomone (dessus), M lle Cartilly ; Flore (dessus), M xu Brigogne; Faune (basse-taille), Rossignol; le Dieu des jardins (id.), Beaumavielle; Béroé (dessus), M 1U Aubry.
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