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est à la bibliothèque Chigi de Rome. Le père Menestrier nous a fait une longue analyse du poème, qui est un tissu d’extravagances. Toute la vie d’Orphée et Eurydice est mise en drame de la façon la plus misérable. Le commencement saugrenu donne une idée du reste : « Dans un bocage, un augure assis dans sa chaise, est consulté par Endymion, père d’Eurydice, sur le succès que doit avoir le mariage de sa fille avec Orphée excellent poète et musicien, fils d’Apollon ; sur quoi deux tourterelles, emportées par deux vautours, lui en ayant donné un mauvais présage, Endymion demeure d’autant plus effrayé de ce prodige, qu’il ne croyait pas pouvoir éviter le destin malheureux, quelque soin que prît la nourrice de sa fille de le détourner de cette pensée par de meilleurs augures qu’elle tirait du chant et de la pâture des oiseaux. » Après ce ridicule début, se déroule un cortège d’épisodes insipides et niais. On nous entretient de la jalousie d’Aristée. Un satyre amoureux se fait friser jpar les Grâces ; les noces d’Orphée se célèbrent avec de grands ballets, où intervient Momus ; puis ce sont les Jardins du Soleil, la Mort d’Eurydice, et la scène des Enfers. « Des danses de tous les monstres, sous cent figures extravagantes de hiboux, de bucentaures, de harpyes, et d’autres bêtes, égayèrent cette scène. » Aux musiques d’Orphée, les arbres et les bêtes tournent en rond. Ce n’est pas encore tout. Voici Bacchus et les Bacchantes qui déchirent Orphée. La constellation de la Lyre paraît au firmament. Et, pour nous achever, une instruction morale à la mode française :. « La vertu parfaite se doit entièrement détacher de la terre et n’attendre sa récompense que du ciel [1]. » — On est loin, comme on voit, des tragédies de Gluck.

Cependant le goût français s’accoutume au drame musical. Les maîtres du théâtre lui font des avances. En 1650, Cor On trouve fréquemment du Luigi Rossi dans les recueils d’airs de l’époque, soit manuscrits (comme au Conservatoire de Naples), soit édités en Italie, et même à l’étranger (Londres, 1679). Doni (II, 249-264) fournit des renseignements sur ce musicien qui intéresse surtout l’art français. — Voir aussi : Nuitter, Les origines de l’opéra français.

Luigi était ami de Salvator Rosa, et composa la musique de plusieurs poésies et fantaisies théâtrales de son compatriote.

  1. Il est probable que les souvenirs du P. Menestrier sont un peu confus, et qu’il a mêlé l'Orfeo de Rossi à une tragédie de Chapoton, déjà jouée vers 1640, avec chant, danses, et dialogue en alexandrins : « La Grande journée des machines, ou la Descente d’Orphée aux enfers, et sa mort par les Bacchantes. »