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disposition des timbres et des voix, à leur place sur la scène; en un mot, je ne sais quel instinct des « ficelles, » ou pour être plus poli, des moyens de succès, qui transparaît au travers de cet art un peu naïf, — et que nous n'avons pas perdu.
Sous Henri IV, le ballet reste le passe-temps préféré de la cour (1). La sage économie des finances ne permet pas de s'y li- vrer aux extravagances de l'ancien roi ; mais il est à la mode ; les grands seigneurs souvent y collaborent, et le roi Louis XIH, qui aime la musique, prend part à quelques fêtes (2). On a surtout gardé le souvenir de la Délivrance de Renault, où il dansa le Dé- mon du feu (29 janvier 1617). Les plus célèbres compositeurs y contribuèrent. P. Guédron fit la pièce et la dirigea; Belleville écrivit les danses et les conduisit; H. de Bailly joua l'ermite, sauveur de Renault, et Jacques Mauduit (3) menait les soixante- quatre chanteurs, que vingt-huit violes et quatorze luths accom- pagnaient (4).
Le Ballet avait ordinairement quatre à cinq actes; mais ce n'était pas une pièce dramatique; l'unité d'action s'y trouvait rarement observée; moins encore, l'unité de style; presque toujours il était l'œuvre de plusieurs musiciens. Guédron, Mauduit, Bailly, Gab. Bataille, Antoine et Jean Boesset, Verdier, Belleville, Dumanoir, Baschet, d'Assoucy, sont les principaux noms en faveur jusqu'au
��(1) Voir, pour les comédies-ballets : P. Lacroix, Ballets et mascarades de la cour. V. Fournel, Les contemporains de Molière, 1866, 3 vol. Abbé de Pure, Idée des spectacles, 1668. Lavoix, Histoire de la musique française; Histoire de V 'instrumentation. Lajarte, Curiosités de VOpéra, 1883, Calmann.
Henri IV et Sully aiment follement la danse. Les ballets se ressentent de la joyeuse humeur du roi. Ce sont : les grimaciers, les barbiers (1598), les princes habillés de plumes (1599), les lavandières, les juifs, les tirelaines, les filous (1607), la femme sans teste (1610), etc. — Sous Louis XIII, ils pas- sent, comme la politique même, par de violents soubresauts, de la tristesse à la joie triviale. — Richelieu leur donne un caractère surtout allégorique, emphatique et pompeux : ballet des quatre monarchies chrétiennes (1635), de la Félicité (1639), de la Beauté (1640), de la Prospérité des armes de France (1641). Qu'il est plus aisé de terminer les différends par la Religion qne par les Armes. — Enfin, sous l'influence italienne, qui marque la ré- gence d'Anne d'Autriche, le ballet devient plus magnifique et plus délicat à la fois, d'une galanterie décente, ingénieuse et fine. (Ballet du Gris de lin, 1653 (c'était la couleur de la duchesse de Savoie.) Il s'achemine vers l'opéra.^
(2) Il compose même certains airs de danse, et un ballet entier, celui de la Merlaison H 635).
(3) Voir plus haut.
(4) Père Mersonne, Harmonie universelle, VII, 63.
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