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L'OPÉRA EN FRANCE. 233

posa la musique pour un dialogue en vers latins, chanté par la France, la Paix et la Prospérité, en 1573, dans une fête donnée aux ambassadeurs de Pologne. Quant à ses chansons françaises (1), tantôt d'une verve de bonne humeur railleuse, tantôt d'une déli- catesse de sentiment mélancolique et amoureuse, elles offrent une des plus gracieuses images de l'âme française. C'est le chef- d'œuvre de la musique de cour au seizième siècle. L'art de Mozart ou Gluck n'est pas plus parfait ni plus pur.

Charles IX s'adressait d'autre part aux Français. C'est mer- veille de voir combien tous les poètes de la Pléiade sont sensibles au charme de la musique ; ils comprennent toute la puissance expressive et magique qu'elle peut ajouter à la beauté des vers. Par ce fin sentiment, (et par bien d'autres), ils sont très en avance sur les poètes du dix-septième siècle.

Jodelle chante Roland de Lassus dans un poème de cent soixante douze vers (2), dont l'émotion est certainement sincère.

��(1) En style madrigalesquc, à quatre parties. Jusqu'en 1587, Ballard en publie 25 livres et plus. Roland compose les premiers dès 1550. — La Bibl. Nat. en possède un recueil sous ce titre : Le Thresor de Musique d'Orlande de Lassus , prince des musiciens de notre temps , contenant ses chansons françoises, italiennes et latines, à 4, 5 et 6 parties; reveu et corrigé dili- gemment en ceste 3 # édition, à Cologne, 1594, par Paul Marceau (Superius, ténor, bassus, quinta pars). (Rés. Vm 7 237.)

L'éditeur, dans sa dédicace à Philippe de Pas, gentilhomme français, déclare qu'il a changé les paroles, parfois licencieuses, « pour ne pas souiller les langues ny offenser les oreilles chrestiennes. » En effet, les chansons sont transformées de la plus étrange façon. « Fuyons tous d'amour le jeu » devient : « Fuyons des vices le jeu comme le feu. N'aime les péchez infâmes ; sauve toy loin de leurs flammes. » — « Las, voulez-vous qu'une personne chante... » devient : « Laissez chanter qui en Dieu se contente... » etc. — L'éditeur convient que « la musique en aura perdu quelque peu de sa grâce, d'autant qu'Orlande l'avoit appropriée à la lettre, en quoy il est excellent par dessus tous les musiciens. » Mais il souhaite que cet essai le conver- tisse au bien, « Je désire grandement que ces chansons luy en puissent donner la volonté, afin que nous ayons de luy une chaste musique fran- çoise. »

(2) Etienne Jodelle, en son chapitre : En faveur d'Orlande, excellent musicien (Edition Marty-Laveaux, Lemerre, 1870, vol. II, p. 186-191).

��L'aile qu'Orlande peut donner aux vers, est telle,

Que son vol animé de mouvements si beaux,

Si prompts, si hauts, surpasse en volant toute autre aile.

D'enfer au ciel, du ciel aux infernales eaux,

Mercure en un moment remonte et redovalo,

Ayant au chef, aux pies, ses ailerons jumeaux.

Ce beau vol peut porter à la riva infernale

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