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8 INTRODUCTION.

Il est bon seulement de reconnaître qu'ici comme ailleurs la pensée moderne s'est souvent donné bien du mal pour retrouver des idées familières à l'antiquité. Au reste, ce n'est pas rabaisser l'esprit humain que de croire qu'il vive éternellement sur les mêmes idées ; c'est la preuve qu'elles sont bonnes. On ne croit pas humilier ni Wagner, ni Gluck en disant qu'ils ont repris des théories clairement formulées plusieurs siècles avant eux. Ce serait un grave argument contre la vérité de leur art, qu'il ait fallu les attendre pour trouver ces pensées. Ils n'ont fait que les dire avec une force plus grande. C'est assez pour nous exciter à l'action. Il ne s'agit pas de penser des choses nouvelles ; il s'agit d'être nouveau à les penser, d'apporter à sentir les vérités, qui sont le fonds commun des siècles, la sève d'une jeune nature qui ne les a pas encore vécues pour son compte et jouit passionné- ment de les éprouver en soi pour la première fois. C'est quelque chose d'ajouter la nuance de son regard, les couleurs de son âme à la vision multiple de l'unique Beauté. Ainsi l'œuvre d'art des siècles chaque jour s'enrichit.

Cette étude du passé nous protège aussi bien contre l'orgueil que contre le découragement. La décadence éprise d'elle-même et l'énervement blasé d'une élite se plaît à croire que, notre art ayant atteint son faîte, rien ne reste à dire après nous.

On peut consoler ces découragés en leur rappelant que pour la musique même, principal objet de leurs soucis, ils ont eu des ancêtres dès le quinzième siècle, — dès l'antiquité grecque (1). Il a toujours semblé que la musique était arrivée à sa perfection et qu'il n'y fallait plus toucher. Comme il n'a jamais non plus

��(i) Platon trouve déjà que la musique de son temps est corrompue (Lois, III, 700). Aristoxène de Tarente fait commencer la décadence de la musique à Sophocle. Platon, d'un goût plus pur, n'admet guère que les mélodies d'Olympe (VIP s).

Giovanni Spataro, qui vivait à Bologne à la fin du quinzième siècle, s'in- dignait contre cette prétention de l'élite, que l'art (la musique) avait atteint sa perfection, il affirmait avec énergie le droit des novateurs à pousser toujours plus avant, sans se laisser lier par les règles du passé : . « Che essendo la musica arte libérale l'ô da credere che li soi termini sono senza fine, e che quello che oggidi sanno li musici e compositori è la superficie di quello che se pô sapere. » (Mss. Vat., N. 5318: copie 1774. Bologne.)

« Che se in musica non era licito fare, se^non quello che se trovava facta, che il sequitaria che Tarte musica sarià finita et consumata. » (Id. t p. 429.)

Il est remarquable^que beaucoup dejses préceptes sont conformes à ceux de Monteverde, de Gluck, de Mozart et de Wagner.

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