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INTRODUCTION.

mystères un théâtre musical, où le nôtre peut reconnaître une partie de ses traits (1). Ces mystères, à leur tour, sortent des drames liturgiques du onzième siècle, et ceux-ci des tropes de l’Église des neuvième et dixième siècles (2).

Enfin ce n’est pas en eux-mêmes que les premiers docteurs de l’Église avaient trouvé le secret de joindre le plaisir des sons à l’émotion de la parole, et de faire de la musique l’expression vi-

(1) A vrai dire, la partie musicale des Mystères semble avoir consisté en intermèdes, ou chœurs, sans rapport essentiel à l’action, plutôt qu’en déclamation chantée et en harmonies faisant corps avec le drame. Les renseignements sont d’ailleurs médiocres, et presque tous les historiens se bornent à copier, les uns après les autres, un passage du Daniel Ludus (25 décembre 1230, Beauvais), où le cortège de Darius chante au son des instruments (tambours et instruments à cordes) : « Ecce rex Darius ; » ou bien une indication préliminaire du Mystère de l’Incarnation (1474, Rouen), suivant laquelle le chœur des anges, entrecoupé des réponses d’instruments derrière la scène (violon, trompette, orgue), chante non seulement à l’unisson, mais en parties, alternant avec des soli. La plupart des chœurs de ce dernier genre ne sont pas écrits ; leur place est seulement indiquée dans le texte. Des chœurs d’un rapport lointain avec le drame, chœurs de parade ou d’édification, comme dans Bach (dès la Représentation d’Adam, du XIIe siècle), des chansons, parfois comiques, souvent bouffonnes, entre deux scènes tragiques, des prologues, entr’actes, épisodes instrumentaux, telle semble avoir été la musique des Mystères. Ce n’est que par exception, et moins par essai de récitation notée, que do couleur locale, à ce qu’il semble, que l’on voit un personnage (un David, par exemple, Mystère de la Nativité) déclamer au son d’un instrument (harpe). — Voir : Coussemaker, Les drames liturgiques, in-4o, 1860. Lavoix fils, Histoire de l’instrumentation, in-8o, 1880. M. Sepet, Les prophètes du Christ, in-8o, 1878. Danjou, Revue de musique religieuse, t. IV, 1847. Petit de Julleville, Histoire du théâtre en France, 1880, I, 291 et suiv. F. Clément, Liturgie, musique et drame du moyen âge (Annales archéologiques, 1847 et suiv.).

Voir aussi, pour l’Allemagne, le dixième volume de la Publihation aelterer, praktischer, und theoretischer Musihwerhe, vorzugsweise des XV und XVI Jahr., par R. Eitner, 1881, Berlin. — On y trouvera une Marienklage du quatorzième siècle (mss. XV e s., de Berlin), dialogue en plain-chant entre Marie et Jean, et un Geistlich Spiel du seizième siècle, la Chaste Suzanne (1535, Zwickau. Paulus Rebhun), dont le premier et le deuxième actes sont terminés par un duo choral en style sacré.

Plus important pour la musique est le genre dont Adam de la Halle fut le plus célèbre représentant. Le Jeu de Robin et de Marion unit véritablement la musique à la poésie par des couplets et des dialogues chantés. Mais il est encore très loin du drame lyrique. Les airs n’y sont qu’un amusement poétique, une parure de l’action. Nous y reviendrons dans le chapitre de l’opéra français. On y peut voir le premier essai d’opéra-comique. Mais le drame lyrique a de tout autres origines.

(2) Léon Gautier, Hist. de la poésie liturgique au moyen âge : Les tropes. Paris, 1886.