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LES ESSAIS D'OPÉRA POPULAIRE EN ITALIE. 155

lui les premières lueurs d'un art populaire.-— Il faut s'entendre sur ce mot. Les représentations des palais florentins ou romains ayant eu d'abord un caractère strictement privé, il est clair que les premières représentations publiques sont en un sens, des manifestations d'opéra populaire (1). Ce n'est pourtant pas de l'histoire de l'opéra public que je veux parler, bien qu'elle ait son importance. En premier lieu, il y a beaucoup de théâtres publics où le peuple ne va pas, soit qu'il ne le puisse, par suite du prix élevé des places, soit qu'il n'y soit pas attiré par le genre du spectacle. Mais on peut même concevoir qu'un théâtre où va le peuple ne soit pas populaire; et bien plus, qu'un théâtre qui ne fut jamais donné au peuple, soit pourtant populaire. Ce ne sont pas les circonstances accidentelles d'une représentation qui déterminent le caractère d'une œuvre ; c'est l'esprit qui l'anime, son objet intérieur. Une œuvre sans public peut être plus popu- laire qu'une œuvre que le peuple acclame. Celle-ci flatte peut-être sa niaiserie et sa grossièreté ; celle-là porte son peuple en elle ; elle en est l'âme même.

C'est aux œuvres de ce genre que nous nous intéressons; c'est aux essais d'expression, dans la langue lyrique, du cœur et des pensées du peuple. Et il ne s'agit pas sous ce mot de la classe d'hommes que nous distinguons de la bourgeoisie et de la noblesse, mais de la nation tout entière, du peuple italien.

Il y a deux sortes d'artistes populaires : les uns, mêlés à la vie de leur siècle, sont le reflet de ses caprices , et donnent des jours qui passent un écho harmonieux ou éclatant : ce sont les génies d'occasion. Les autres , plongeant leurs racines dans la bonne terre de la patrie, prêtent une voix aux puissances magiques qui dorment dans son sein. Ceux-là sont les vrais génies, les appari-

��(1) La première représentation publique d'opéra est celle du S. Cassiano de Venise, 1637.

Dès 1652, Rome a un théâtre public d'opéra. Une lettro de Salvator Rosa à Gio. Battista Ricciardi nous l'apprend : « Roma, primo del Carnevale 1652. — Aile comédie pubbliche, non ci vado ne anche col pensicro, poichô oltre l'esser questa una compagnia sconcertata, e di mio pochissimo gusto, si paga 3 giuli la comedia, e 4 Vopera.. Hor che ne dite, non è meglio mesticr questo che starsi à romper la testa coi colori tutto giorno? »

Avant Venise, les Barberini auraient réussi à installer un théâtre public d'opéra à Rome, si les affaires politiques (guerre avec le duc de Parme, ligue des princes italiens, mort d'Urbain VIII, persécutions des Pamphili) no les avaient absorbés. Leur théâtre se tait do 1640 à 1653. Les musiciens et acteurs romains (Ferrari, Manelli) émigrent à Venise. En 1653, les Bar- berini font leur paix avec les Pamphili.

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