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148 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

le rejoindre. Au second acte, le malheureux Lepido est enfermé chez lui à double tour, condamné à un mois de réclusion pour son escapade. Le misérable qui n'ose pas se venger, met toute sa bravoure à se moquer de la Padrona derrière son dos, avec ses domestiques , et à leur faire chanter des chansons grossières sur le compte de sa femme. Il en est corrigé, de façon à perdre le goût de recommencer. Au troisième acte, n'y pouvant plus tenir, il tente une seconde évasion. La mégère le rejoint. Rendu féroce par le désespoir, il refuse obstinément de la suivre , et les deux époux se rossent d'importance au milieu de la foire. Les artisans regardent paisiblement et disent : « La rabbia e fra cani. y> (« La rage est parmi les chiens. ») Un ami s'interpose, promet de ren- dre sage Lepido, de le ramener à la maison. Et seul avec lui, il l'engage à en finir avec sa femme. Le malheureux est si enragé qu'il demande : « Faut-il la pendre? faut-il l'empoisonner? » Ici la pièce tourne court. Régulièrement développée jusque-là, elle annonçait une Mégère apprivoisée, à l'italienne, dans un cadre et un milieu très romains. Malheureusement, arrivé au dénoue- ment, Vittori fait une pirouette et tourne le dos. Leandro donne à Lepido, pour faire boire à sa femme, un philtre, remède in- faillible, qui la doit transformer au gré du mari. Pauvre inven- tion, s'il n'y fallait peut-être voir une aimable ironie de l'auteur, qui ne croit à l'efficacité d'aucun traitement pour mater une femme despote, — qu'aux miracles et aux philtres, — et même pas aux coups de bâton.

Dans l'ensemble, la pièce est une gentille comédie de mœurs et de caractère; c'est une peinture extrêmement italienne , et dont l'exactitude frappe encore aujourd'hui. Les scènes de foule sont bien traitées, avec verve et avec entrain. Ainsi celle où le bari- gello et les sbirri repoussent brutalement les artisans, qui étalent leurs marchandises jusqu'au milieu de la place (1). Mais ils se mettent des premiers à regarder les boutiques, se font donner des objets, prennent, et payeront une autre fois. Ainsi le joyeux tumulte de la foire (2), avec lesPulcinelle, les charlatans, les ven- deurs d'orviétan, et les cris des marchands. Le dialogue est sou- vent d'un style élégant, dans la bouffonnerie même , et qui sent son gentilhomme. La pièce est mêlée de prose parlée, de couplets en vers et de passages chantés, de chœurs populaires, et de bal- lets. Partout, on remarque une extrême facilité, un peu négligée,

��(1) Acte I, scène 3.

(2) Acte I, scène 4.

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