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112 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

toujours le principal objet du chanteur. » Le récit prend une place importante dans la pièce, et Gagliano annonce que rien n'en est écrit au hasard, qu'il y a mis toute la recherche expres- sive qu'il a pu. Il insiste sur la « majesté » de la déclamation. (Les Florentins sont les vrais ancêtres de l'opéra du Grand Roi.) Il exige que les gestes et les pas s'accordent exactement avec les chants, et il donne de minutieux conseils pour la représentation. Il est do ce* musiciens dont Artusi disait avec dédain que leur musique consiste en pantomimes et en grimaces. Le pâtre qui raconte la victoire d'Apollon à Dafné, « doit imiter par ses ges- tes les attitudes d'Apollon dans le combat. L'Apollon doit se cou- ronner de laurier sur un accord précis et d'un geste marqué. Celui qui fait la partie du Python doit se concerter exactement avec Apollon. Il sera grand; et si le décorateur « sait, comme j'ai vu, lui faire remuer les ailes et jeter du feu, il fera la plus belle chose du monde » (« serpeggi posando il portatore di esso le mani in terra, acciô vada su quattro piedi »). L'exactitude et la beauté de l'action est quelque chose de si important pour Gagliano, que désespérant de la trouver chez le chanteur, il a recours au pantomime, et se sert de deux acteurs pour le rôle d'Apollon : un danseur, ou maître d'armes, pour le combat avec Python ; un chanteur pour le reste du rôle.

Gagliano , comme Péri , ne cache pas son modèle : la tragédie antique; il ne dissimule pas non plus le caractère privilégié de son art. C'est aux princes qu'il s'adresse, « sans qui mal peut atteindre à la perfection, quelque art que ce soit. »

La musique pourtant commence à vivre pour son compte, prend un tour plus chantant. La mélodie sort du bloc à peine dé- grossi de la déclamation lyrique. La période se dessine; à la rai- deur des primitifs, elle joint déjà une remarquable aisance de mouvement; elle a d'ailleurs les qualités de noblesse et l'accent dramatique de l'école. Les chœurs sont à la fois vivants et sa- vants, assez bien faits pour la scène, mêlés de chants à deux, trois, quatre voix. Quelques phrases de ballet s'entrelacent aux airs.

Nous connaissons une autre pièce de Gagliano , que M. Vogel a été, croyons-nous, le premier à signaler : La Flora (1), repré-

��(1) La Flora del Sig. Andréa Salvadori, posta in musica da Marco da Ga- gliano, maestro di cappella del Serenissimo Gran Duca di Toscana, rappre- sentata nel Teatro del Serenissimo Gran Duca, nelle Reali Nozze del Se- reniss. Odoardo Farnese, duca di Parma e di Piacenza,.e délia Seren.

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