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revendiquer les droits de la poésie, et sa suprématie dans le drame musical; mais ils ont tort de sacrifier si complètement les droits de la musique , et d'en faire une sorte de traduction juxtali- néaire. C'est ne plus comprendre le drame même. La musique va jusqu'au fond du cœur, et ne s'en tenant pas à la seule im- pression passagère éveillée par le mot, elle prête l'oreille aux sen- timents plus qu'aux paroles du personnage; elle tient compte « de son passé et de son avenir, » comme dit Monteverde, c'est-à-dire de son caractère général; et nous voici bien près du leit-motiv moderne, où se résume une âme, que l'on voit vivre et se transformer au cours d'une action dramatique (1).
La mélodie ainsi comprise, harmonieuse union de la musique et de la poésie (2), est le fondement de l'art nouveau. C'est au nom de la mélodie que se fait la révolution. Monteverde oppose deux écoles : celle « d'Ockeghem (3) , Josquin de Près , Pierre de la Rue (4), Jouan Motton (5), Grequillon (6), Glemens non
(1) Nous le voyons à divers passages de Monteverde, et notamment à l'exception même qu'il fait pour le rôle de Licori (La Finta pazza, 1627). « Comme il s'agit d'une scène de feinte folie, qui n'a de racines ni dans le passé, ni dans l'avenir du caractère, mais seulement dans une fantaisie passagère, la musique s'attache seulement à souligner plaisamment les in- tentions du texte; mais c'est une exception; en général, elle doit lire plus avant. »
« I^a immitatione di tal finta pazzia dovendo havere la consideratione solo che nel présente et non nel passato et nel futuro, per conseguenza la im- mitatione dovendo havere il suo appoggiamento sopra alla parola et non sopra al senso de la clausola... » (Lettre du 7 mai 1627. — Arch. Gonzaga.)
(2) « Nonne et Musica circa perfectionem melodiae versatur? » (comm. Gorgias.) « Melodiam ex tribus constare, oratione, harmonia, rythme. . Rythmus et Harmonia orationem sequuntur... Loquendi modus ipsaque oratio animi affectionem sequitur... Orationem vero cetera sequuntur. » Rép. 3.) Passages cités par Monteverde dans la lettre-préface aux Scherzi musicali de 1607).
(3) Jean de Okeghem , né vers 1430, mort entre 1494 et 1496, trésorier de Saint-Martin de Tours en 1459, fut maître de chapelle de Charles VII et Louis XI. — Voir l'intéressante étude de M. Michel Brenet dans les Mém. de la Société de l'Histoire de Paris et de V Ile-de-France, t. XX (1893).
(4) Pierre Pierchon. Petrus Platensis, sans doute Picard, né avant 1477; il disparaît après 1510. Il était prêtre, et devint chanoine. Il fut au servico de Marie de Bourgogne, de Philippe le Beau et do Marguerite d'Autriche. (Mss. à Malines et Bruxelles.)
(5) Jean de Hollingue, dit Mouton; Français ou Belgo; élève de Josquin, maître de Willaert. Né vers 1475, mort en 1522, à Saint-Quentin, où il était chanoine. Il fut chantre du roi sous Louis XII et François I er , et dédia des messes à Léon X.
(6) Thomas Crecquillon. Belge, né au commencement du seizième siècle,
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