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LES PRÉCURSEURS

mimes ; au lieu de tableaux, que des caricatures, est inutile aux lettres, aux mœurs, à l’État ; et Platon l’eût chassé de sa République…

La hauteur superbe d’un tel langage montre à quelles nobles mains était alors confiée la direction de l’art. Malheureusement, le temps manqua à ces hommes ; Payan ne put même pas écrire le travail qu’il annonçait, dans son arrêté du 29 juin, sur la régénération du théâtre. Il fut balayé le 10 thermidor, — 28 juillet, — dans l’ouragan qui emporta, avec Robespierre et Saint-Just, le génie de la Révolution. — Il est affligeant d’ajouter qu’à la grandeur des chefs répondait bien mal la médiocrité des artistes, surtout des écrivains ; — car la peinture eut du moins un David ; la musique, un Méhul, un Lesueur, un Gossec, un Cherubini, — la Marseillaise. — Cette médiocrité consternait le Comité, et inspira d’âpres paroles à Robespierre et à Saint-Just. « Les hommes de lettres en général, dit Robespierre dans son discours du 18 floréal an II, — 7 mai 94, — se sont déshonorés dans cette Révolution, et, à la honte éternelle de l’esprit, la raison du peuple en a fait seule tous les frais. » De 1793 date, comme l’ont montré Eugène Maron[1] et Eugène Despois,[2] le développement extraordinaire du vaudeville ![3]

Pour moi, je le comprends. Tout l’héroïsme de la

  1. Histoire littéraire de la Convention.
  2. Le Vandalisme révolutionnaire.
  3. D’après un écrit du trop illustre Hervé, l’auteur de Chilpéric et de l’Œil crevé, la création de l’opérette daterait même de 1792, et le premier exemple connu en serait le Petit Orphée, représenté le 13 juin 1792, sur le théâtre des Variétés ; les auteurs en étaient Rouhier-Deschamps pour le poème, Deshayes pour la musique, et Beaupré-Riché pour le ballet. — Voir le Temps, 30 mai 1903 : Adolphe Brisson, Promenades et visites.
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