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le théâtre nouveau

Marie-Joseph Chénier dédie en 1789 son Charles IX ou l’École des Rois : « à la Nation Française ».

Français, mes concitoyens, acceptez l’hommage de cette tragédie patriotique. Je dédie l’ouvrage d’un homme libre à une Nation devenue libre… Votre scène doit changer avec tout le reste. Un théâtre de femmelettes et d’esclaves n’est plus fait pour des hommes et pour des citoyens. Une chose manquait à vos excellents poètes dramatiques : ce n’était pas du génie ; ce n’étaient pas des sujets ; c’était un auditoire.

(15 décembre 1789)

Il dit encore :

Le théâtre est un moyen d’instruction publique… Sans les gens de lettres, la France serait en ce moment au point où se trouve encore l’Espagne… Nous touchons à l’époque la plus importante qui marque jusqu’à ce jour l’histoire de la nation française ; et la destinée de vingt-cinq millions d’hommes va se décider… À des arts esclaves succèdent des arts libres ; le théâtre, si longtemps efféminé et adulateur, n’inspirera que le respect des lois, l’amour de la liberté, la haine du fanatisme, et l’exécration des tyrans.[1]

L’action de Mercier s’exerçait plus directement encore en Allemagne, sur Schiller, qui le lut avidement, le traduisit et s’en inspira. Il est remarquable que Mercier ait indiqué à Schiller, — dans son Nouvel Essai, — le sujet de Guillaume Tell, comme Rousseau lui avait indiqué le sujet de Fiesque. Et Mercier lui inspira encore, très probablement, certaines scènes de son Don Carlos.[2] On ne doit pas oublier les liens

  1. Discours de la liberté du théâtre, 15 juin 1789.
  2. Voir Albert Kontz. — Les drames de la jeunesse de Schiller. Leroux. 1899.
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