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le théâtre du passé

« Vous êtes-vous avisés, demande-t-il, d’envisager Andromaque en mélodrame ? Si vous vous en êtes avisés, vous vous êtes aperçus qu’elle peut très bien être prise de ce biais. Il y a une innocente persécutée, un traître aidé d’une traîtresse, et un tyran féroce. Voilà les éléments du mélodrame : ils y sont tous. Et après bien des péripéties où le personnage sympathique ne fléchit pas, arrive jusque sur le point de commettre une faiblesse et ne la commet pas, reste fidèle à ces deux sentiments nobles : son amour maternel et son amour conjugal, le tyran féroce est tué, le traître devient fou, la traîtresse se poignarde, et le personnage sympathique devient reine de France, en compagnie de son petit garçon sauvé des eaux. C’est le mélodrame par excellence, c’est le roi des mélodrames. »[1]

Suit un projet de dénouement à la Diderot, pour représentations populaires : le couronnement d’Andromaque. « Qu’elle monte sur le trône, et que Céphise lui apporte son enfant, et qu’Andromaque le prenne sur ses genoux, et l’embrasse avec sensibilité. La toile tombe. »

« Mais, continue M. Faguet, examinez combien de tragédies classiques renferment un mélodrame avec ses éléments suffisants et nécessaires : personnage sympathique, personnage sympathique en péril, péripéties, personnage sympathique triomphant à la fin, vertu récompensée et vice puni ?… — J’ai vu jouer Phèdre, Athalie, devant un public très populaire, respectueusement, mais froidement. Dans Phèdre, on ne s’intéressait qu’à l’innocent persécuté, à Hippolyte… On n’était véritablement remué qu’à la scène de dis-

  1. Journal des Débats, 23 février 1903.
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