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THÉÂTRES DE BELLEVILLE ET DE CLICHY

l’ouvrage de la semaine. Comme on y sent l’empreinte de conversations, de lectures, — faites au hasard, pêle-mêle, — d'expériences continuelles ! Quelles expressions aiguës, complexes, ironiques et soucieuses, aux sourires étranges, aux yeux intelligents et un peu troubles ! Sous ces visages transparents et mobiles, il semble qu’on voie passer des flots de désirs, de soucis, d’ironies changeantes. C’est vraiment le peuple très intelligent, — presque trop intelligent, — un peu morbide, des grandes villes. Et ce pourrait être très vite, après quelques années de bon théâtre, un public idéal, spirituel et passionné.

Le théâtre de Belleville n’a pas seulement un bon public populaire ; il a aussi une troupe intéressante. Il y a là naturellement des faiblesses, des inexpériences, mais aussi beaucoup de talents jeunes et ardents, ou de comédiens habiles ; et surtout elle offre une cohésion et une homogénéité remarquable ; l’ensemble se tient certainement mieux qu’à tel grand théâtre, comme l’Odéon. Quand on pense que, chaque semaine, on monte une pièce nouvelle, on a une sincère estime pour les courageux efforts de cette jeune troupe, et pour le talent de son directeur, M. E. Berny, qui en est l’âme.

Le Théâtre du Peuple de M. Henri Beaulieu. — ex-théâtre Moncey, 50 avenue de Clichy, — vient de s’ouvrir, le samedi 14 novembre, avec Thérèse Raquin de Zola, et Lidoire de Courteline. Il a de grandes qualités artistiques ; et le talent personnel de son direc-

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