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au delà du théâtre

tiplier des établissements si utiles et si agréables ; on ne peut trop avoir de semblables rois…

Les plus simples de ces fêtes sont peut-être les meilleures. Et Morel, qui reprend, sans s’en douter, une idée de Rousseau,[1] — Morel a bien raison d’ouvrir son théâtre idéal aux bals populaires.

La danse se perd en France, et, surtout à Paris, réservée à des établissements louches, elle n’est plus que prétexte à obscénités. Il serait fort moral que les jeunes gens puissent connaître des jeunes filles, la rencontre ayant lieu ailleurs que dans la rue, et sans que l’endroit couvert soit dangereux ; enfin, la danse, c’est un plaisir, réel, vif, et l’un des plaisirs les plus sains à tout point de vue, elle est un grand excitant à la gaîté et ne dégénère guère en vice. — Mais le peuple ne sait plus danser ? Il faut donc lui apprendre.[2]

« Est-ce donc à ce bel objet que doit aboutir l’effort grandiose de notre civilisation ? », diront dédaigneuse-

  1. Rousseau, critiquant en ceci le puritanisme de Genève, disait : « Il est une espèce de fêtes publiques, dont je voudrais bien qu’on se fit moins de scrupule : savoir, les bals… Je voudrais qu’ils fussent publiquement autorisés, et qu’on y prévînt tout désordre particulier, en les convertissant en des bals solennels et périodiques, ouverts indistinctement à toute la jeunesse à marier. Je voudrais qu’un magistrat, nommé par le Conseil, ne dédaignât pas de présider à ces bals… Les liaisons devenant plus faciles, les mariages seraient plus fréquents ; ces mariages, moins circonscrits par les mêmes conditions, préviendraient les partis, tempéreraient l’excessive inégalité, maintiendraient mieux le corps du peuple dans l’esprit de sa constitution. Ces bals, ainsi dirigés, ressembleraient moins à un spectacle public qu’à l’assemblée d’une grande famille : et du sein de la joie et des plaisirs naîtraient la conservation, la concorde et la prospérité de la République. » (Lettre à d’Alembert)
  2. Eugène Morel : Projet de théâtres populaires.
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