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CONCLUSION

Mais il est des fêtes plus simples ; et nous n’avons pas besoin, comme dit Rousseau,

de renvoyer aux jeux des anciens Grecs : il en est de plus modernes, il en est d’existants encore… Nous avons tous les ans des revues, des prix publics, des rois de l’arquebuse, du canon, de la navigation. On ne peut trop mul-

    felden ; le Festspiel de Fischer à Aarau ; et surtout le Festival vaudois, paroles et musique de E. Jacques-Dalcroze, représenté à Lausanne les 4, 5 et 6 juillet, sur une scène de six cents mètres carrés, devant vingt mille spectateurs, par deux mille cinq cents acteurs et figurants, dirigés par Gémier ; cette fête extraordinaire, où des armées à pied et à cheval, des troupeaux de bœufs et de chèvres prenaient part à l’action, où toutes les classes étaient mêlées, a résumé de la façon la plus magnifique les efforts accomplis depuis dix ans par les autres villes suisses.

    À côté de ces fêtes exceptionnelles, telle autre a un caractère périodique, comme la Fête des vignerons de Vevey, qui a lieu tous les vingt ans. — Il faut convenir pourtant que, jusqu’à ces dernières années, il n’était sorti de ce mouvement dramatique aucune œuvre populaire, digne de survivre à l’occasion qui l’avait fait naître ; toutes ces représentations étaient trop uniquement des Festspiele de circonstance, des apothéoses patriotiques et des prétextes à cavalcades. Le Festival vaudois, où la musique est très supérieure au texte littéraire, n’échappe pas à ce reproche.

    Mais, depuis peu, commence à se former en Suisse un art dramatique vraiment populaire et vivant. Le représentant le plus intéressant de ce mouvement, à l’heure actuelle, est M. René Morax. Déjà, dans le Neuchâtel suisse de M. Godet, et le Peuple vaudois de M. Henri Warnery, les dialogues populaires ont quelque saveur ; déjà tel acte du Festspiele de M. Fischer à Aarau, comme l’acte de la guerre des paysans, a quelque force tragique. Mais l’œuvre la plus remarquable de ces dernières années dans le théâtre suisse, est, je crois, la Dîme de M. René Morax, pièce historique en quatre actes et sept tableaux, musique de M. Dénéréaz, représentée à Mézières, près Lausanne, le 15 avril 1903. Il y a là, à défaut d’une action très intéressante, des dons d’observations et de vie populaire de premier ordre. Une telle pièce serait digne de ne pas rester enfermée en Suisse, et d’être jouée sur nos théâtres populaires français. — Il faut faire attention à ce jeune écrivain, qui a publié d’autres pièces de valeur, comme la Nuit des quatre temps, la Bûche de Noël, et, la plus intéressante à mon sens, après la Dîme, Claude de Siviriez, drame historique en cinq actes et six tableaux, où le conflit de la foi catholique et de la foi protestante, en Suisse, au temps de la Réforme, est présenté avec grandeur et simplicité.

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