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AUTRES FORMES

cette place soit large. Notre théâtre doit être un théâtre d’hommes, et non pas d’écrivains.

Combien de formes nouvelles, à peine tentées encore, qui pourront fleurir dans le théâtre populaire ! Mais il serait vain de décrire plus longuement des ombres de l’avenir.[1] Rien ne compte que les œuvres. Nous abordons sur un continent inconnu. Que chacun s’y lance à l’aventure ; il reviendra, les mains pleines de butin. Osons surtout, osons élever notre art à la hauteur de la grande Tragédie qui se joue à cette heure dans le monde. — Reprenons pour notre compte les paroles de Schiller, à la représentation du Camp de Wallensiein, le 12 octobre 1798 :[2]

« L’ère nouvelle qui s’ouvre aujourd’hui, enhardit aussi le poète à quitter la route battue, à vous transporter du cercle étroit à la vie bourgeoise, sur un théâtre plus élevé qui ne soit pas indigne de cette heure sublime où s’agitent nos efforts. Car un grand sujet peut seul remuer les entrailles profondes de l’humanité ;

  1. Un mot seulement d’un genre qui ne compte guère en France : l’improvisation. Dans les provinces où l’esprit est plus vif, et la race plus éveillée, il n’est pas nécessaire que le théâtre populaire soit tout entier écrit. Il serait même bon de laisser à la fantaisie populaire l’occasion et le plaisir de se jouer librement sur un canevas donné, comme cela existe encore en Italie, où la commedia dell’arte continue sous des formes populaires. Et pour ceux qui trouveraient que l’improvisation n’est pas de l’art, je citerai non seulement Michelet, disant « qu’il serait dommage de donner à l’esprit spontané, improvisateur des Méridionaux, des pièces faites : un texte suffit ; ils sauront bien eux-mêmes le développer », — mais Goethe, qui écrit du Camp de Wallenstein que « le genre de la pièce exigerait qu’à chaque représentation on vît quelque chose de neuf, afin que les spectateurs ne puissent plus s’orienter ». (5 octobre 1798, à Schiller)
  2. Cf. le magnifique appel de Mazzini « aux poètes du dix-neuvième siècle » (Ai poeti del secolo XIX) (1832).
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