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L’ÉPOPÉE HISTORIQUE

quelques amateurs une froide miniature, plus soucieuse de la mode et du costume que de l’être des héros. Il faut ressusciter les forces du passé ; ranimer ses puissances d’action. »[1] — « Le théâtre de nos jours, écrivait Schiller, est obligé de lutter contre l’inertie, la torpeur, l’absence de caractère, la vulgarité intellectuelle de l’esprit de l’époque ; il doit donc montrer du caractère et de la force : il doit chercher à ébranler le cœur et à l’élever. La beauté pure est réservée aux nations heureuses ; quand on s’adresse à des générations malades (ou troublées), il faut les secouer par des émotions sublimes. » Il faut leur offrir un art héroïque.

Cette épopée héroïque de la France, que le théâtre populaire l’accomplisse. Les poètes aristocrates y ont piteusement échoué, malgré leurs grands efforts. — Échec prévu ; car il faut à de telles œuvres la flamme populaire ; et sans elle, on ne peut écrire que des poèmes alexandrins, faits pour la distraction érudite de quelques académies.

Nul genre d’art ne convient mieux au théâtre que nous voulons fonder. Sans parler de l’émotion communicative qu’a toujours sur le peuple le spectacle d’événements réels, bien plus que toute fiction ; — sans parler de l’illusion plus complète qui s’attache à la représentation de faits qui furent vraiment des faits, et non des inventions poétiques ; — sans parler de la force magnétique de l’exemple, et de l’action irrésistible qui se dégage de la vue de l’action, — le drame historique a des avantages de premier ordre pour la formation de la conscience et de l’intelligence du peuple.

  1. Préface du 14 Juillet.
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