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IV

L’ÉPOPÉE HISTORIQUE


Il n’en est pas de même pour un genre où nous trouvons encore marqués les pas du plus vaste des poètes : Shakespeare, — l’Épopée nationale, que l’auteur d’Henry IV et de Richard III a menée superbement, du roi Jean au roi Henry VIII, parmi les fanfares triomphales d’Azincourt et les tempêtes de la guerre des Deux Roses.

L’Épopée nationale est toute neuve pour nous. Nos dramaturges ont négligé le drame du peuple de France. Il y a là un trésor de pensées et de passions, dont il faut ouvrir l’accès aux artistes et à la foule, qui ne le connaissent point ou qui le connaissent mal. Notre peuple a peut-être la plus héroïque histoire du monde, depuis Home. Rien d’humain ne lui est étranger. D’Attila à Napoléon, des champs Catalauniques à Waterloo, des Croisades à la Convention, les destinées du monde se sont jouées sur son sol. Le cœur de l’Europe a battu dans ses rois, ses penseurs, ses révolutionnaires. Et si grand qu’ait été ce peuple dans tous les domaines de l’esprit, il le fut par dessus tout dans l’action. L’action fut sa création la plus sublime, sa poésie, son théâtre, son épopée. Il accomplit ce que d’autres rêvèrent. Il n’écrivit pas une Iliade ; il en vécut une dizaine : celle de Charlemagne, celle des Normands, celle de Godefroi de Bouillon, celle de saint Louis, celle de la Pucelle,

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