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LE MÉLODRAME

Ironies, ou dédains, ou enthousiasmes de la mode, il n’importe : ceci fut le théâtre populaire, et ceci l’est encore. Et ceci est le Mélodrame.

Certes, il y a loin des sublimes mélodrames de Sophocle et de Shakespeare à ceux de nos fabricants éhontés, qui n’ont de souci que celui de la recette. Mais sans nous occuper de cette racaille, la plus vile des gens de lettres, puisque ce sont les pauvres qu’elle vole, étudions le genre qu’ils exploitent, sous sa forme la plus générale, et en apparence la plus médiocre : nous verrons la raison légitime de son succès auprès du peuple.

« Prenez deux personnages sympathiques, l’un comme victime, l’autre comme terre-neuve, un personnage odieux comme dindon final de la farce sinistre ; introduisez-y quelques grotesques,… des hors-d’œuvre choisis dans l’observation quotidienne,… de menues allusions politiques, religieuses ou sociales du jour : mêlez le rire et les pleurs ; relevez d’une chanson à refrain facile. Cinq actes, et peu d’entractes » : voilà la recette.

Elle légitime sans doute les faciles railleries de l’élite ; mais, comme le montre M. Georges Jubin, dans un intelligent petit article sur le Mélodrame,[1] « vous aurez aussi peut-être, en vous moquant, découvert la loi même du théâtre populaire. — Rire et pleurer, se distraire à des intermèdes, voir le mal en sachant que le bien sera le plus fort, avoir enfin du spectacle pour son argent : voilà les quatre soucis :

  1. Georges Jubin. — Le théâtre populaire et le mélodrame. — Revue d’art dramatique, novembre 1897.
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