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le théâtre nouveau

nité, je le regarde comme une des intelligences les plus originales et les plus vivantes qui se soient attachées au problème de l’art populaire. Son Projet de théâtres populaires est, pour toutes les questions d’organisation matérielle, une œuvre vraiment neuve, pleine d’idées fécondes ; la hardiesse des conceptions s’y allie au sens pénétrant des nécessités pratiques. Je n’ai pas à l’analyser ici : il faut le lire en entier, pour en suivre la rigoureuse logique. Je me contente d’en exposer les principes essentiels.

Morel fonde son théâtre, ou plutôt ses théâtres du Peuple sur le principe de l’abonnement. « Ce n’est qu’en voyant constamment de belles choses, que le goût se forme ; l’éducation exige la répétition. Pour agir efficacement sur un public, il faut l’avoir constamment en main. Des fêtes exceptionnelles peuvent avoir plus d’éclat, mais leur influence est nulle. »[1] Cet abonnement serait hebdomadaire. « C’est la forme la plus régulière de l’abonnement, celle qui créera le mieux une habitude. » En conséquence, Morel propose l’émission de bons de 25 francs, remboursables par tirages périodiques, au gré de l’administration, et il y annexe vingt-cinq billets de théâtre. Moyennant un supplément de 10 francs, le porteur du bon pourrait renouveler son abonnement, quand les coupons seraient épuisés. Je n’entre pas dans le détail du paiement, que Morel

  1. Je ne partage pas sur ce point l’opinion de Morel. Il suffit de se rappeler quel écho profond et durable peuvent avoir, dans l’esprit d’un enfant sevré de distractions, quelques très rares spectacles vus de loin en loin. Mais il est vrai qu’ils ne créent pas une habitude ; et je crois nécessaire d’user à la fois des spectacles réguliers, comme d’une sorte d’éducation, et des fêtes exceptionnelles, comme d’une exaltation du cœur et de la volonté.
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