sournois, perfides, ou simplement animés d’une aimable désinvolture, faisaient bruire au-dessus des têtes leur boite à musique aérienne, il avait une émotion de gamin de Paris qui se sauve de la maison pour voir un bel incendie. Plus de fatigue ! L’esprit et le corps alertes. Et quand venait le « En avant ! » attendu, on se relevait d’un bond, léger comme une plume, et, sous la giboulée, on volait au plus prochain abri, dans la joie de la découverte, comme le chien qui sent le gibier. On filait à quatre pattes, on rampait sur le ventre, on galopait plié en quatre, on faisait de la gymnastique suédoise à travers les taillis… Cela faisait oublier qu’on ne pouvait plus marcher ; et quand tombait la nuit, on se disait : « Tiens ! c’est le soir déjà ! Qu’est-ce qu’on a donc fait aujourd’hui ?… » À la guerre, concluait le petit coq gaulois, il n’y a de pénible que ce qu’on fait en temps de paix, — la marche sur les grandes routes…
Ainsi parlaient ces jeunes gens, aux premiers mois de campagne. Les soldats de la Marne, de la guerre qui marche. Si elle eût continué, elle eût refait la race des va-nu-pieds de la Révolution qui, partis pour la conquête du monde, ne surent plus s’arrêter.
Il fallut bien qu’ils s’arrêtassent. À partir du moment où ils marinèrent dans les tranchées, le ton changea. Il perdit son entrain, son insouciance gamine ; il se fit de jour en jour viril, stoïque, volontaire, crispé. Maxime continuait d’affirmer la victoire finale. Puis, il n’en parla plus ; il parlait seulement du devoir nécessaire ;