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est là. — Et, pourtant, Clerambault n’était pas entièrement satisfait. Le secret malaise, où ces demi-vérités, ces vérités à queues de mensonges, mettaient sa conscience d’honnête homme, se traduisait par une irritation de plus en plus passionnée contre l’ennemi. Et, parallèlement, — (tels les deux seaux d’un puits : quand l’un monte, l’autre descend) — son enthousiasme patriotique grossissait et noyait dans une ivresse salutaire ses derniers tourments d’esprit.

Maintenant, il était à l’affût des moindres faits des journaux, à l’appui de sa thèse ; et bien qu’il sût que penser de la véracité de ces feuilles, il ne la mettait jamais en doute, quand leurs assertions servaient sa passion avide et inquiète. Il adopta, pour l’ennemi, le principe que « le pire est toujours certain ». Il fut presque reconnaissant à l’Allemagne de lui fournir, par ses actes de cruauté et ses violations répétées du droit, la solide confirmation de la sentence que pour plus de sûreté, il avait prononcée d’avance.

L’Allemagne lui fit bonne mesure. Jamais État en guerre ne sembla plus pressé de soulever contre lui la conscience universelle. Cette nation apoplectique, qui crevait de sa force, s’était ruée sur l’adversaire, dans un délire d’orgueil, de colère et de peur. La bête humaine, lâchée, fit, dès ses premiers pas, un cercle d’horreur méthodique autour d’elle. Toutes les brutalités des instincts et de la foi étaient savamment excitées par ceux qui la tenaient en laisse, par ses chefs officiels, son grand État-Major, ses professeurs enrégimentés, ses pasteurs aux armées. La guerre a tou-