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même dans leurs erreurs, doutait perpétuellement de soi, regardait à droite, à gauche, cherchait dans les yeux de la foule humaine un assentiment à sa propre pensée, et s’épuisait en efforts infructueux pour concilier sa loi intérieure avec les aspirations et les luttes sociales de son temps. Froment, le gisant, qui était doué d’une âme de chef dans un corps asservi, affirmait, sans un doute, le devoir absolu, pour qui porte la flamme d’un idéal puissant, de le dresser au-dessus des têtes de ses compagnons. Pourquoi chercherait-il à l’effacer timidement et à la fondre parmi la masse des autres lueurs ? Il est faux, le lieu-commun des démocraties, que « Voltaire a moins d’esprit que Tout-le-monde » ! « Democritus ait : Unus mihi pro populo est… L’un vaut pour moi les milliers »… — La foi de notre temps voit dans le groupe social le faîte de l’évolution humaine. Qui le prouve ? Moi, je vois, disait Froment, ce faîte dans l’individualité supérieure. Des millions d’hommes ont vécu et sont morts pour que surgisse une fleur suprême de pensée. Car telles sont les manières fastueuses et prodigues de la nature. Elle dépense des peuples, pour créer un Jésus, un Bouddhâ, un Eschyle, un Vinci, un Newton, un Beethoven. Mais sans ces hommes, que seraient-ils, ces peuples ? Que serait l’humanité ?… Nous ne relevons pas l’idéal égoïste du Surhomme. Un homme qui est grand est grand pour tous les hommes. Son individualité exprime des millions d’hommes, et souvent elle les guide. Elle est l’incarnation de leurs forces secrètes, de leurs plus hauts désirs. Elle les concentre,