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sée avant que vous ayez eu le temps de l’exprimer complètement, — grand Dieu ! comme il oublie ! Ce qu’on a dit, ce qu’il a dit, ce qu’il a vu, ce qu’il a cru, et ce qu’il a voulu… Mais il est toujours sûr de ce qu’il veut, de ce qu’il dit, de ce qu’il voit, de ce qu’il croit. Gillot, avec Lagneau, développait tranquillement des arguments contraires à ceux qu’il défendait, la veille, avec Clerambault. Et ce n’étaient pas seulement ses idées qui changeaient, mais c’était — eût-on dit — son tempérament. Le matin, rien d’assez violent pour son besoin d’action et de démolition ! Le soir, il ne rêvait plus que d’un petit commerce, gagner gros, manger bien, élever sa nichée, et se foutre du reste. Et s’ils se disaient tous sincèrement internationalistes, il en était bien peu parmi ces poilus qui n’eussent conservé les vieux préjugés français de supériorité de race — pas méchante, mais gouailleuse et solidement ancrée — à l’égard du reste du monde, ennemis et alliés, et, dans leur pays même, de ceux des autres provinces, ou, s’ils étaient provinciaux, de Paris. Point geignards, francs du collier, toujours prêts à marcher, comme Gillot, capables certes de faire une Révolution, et puis de la défaire, et puis de la refaire, et puis… lanlaire… d’envoyer tout par terre, et de s’en remettre au gré du premier aventurier. — Ils ne le savent que trop bien, les renards de la politique ! La meilleure tactique pour tuer les révolutions est, quand l’heure est venue, de la laisser passer en amusant les gens.

L’heure semblait bien proche. Un an avant la fin de la guerre, il y eut dans les deux camps quelques mois,