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toir opposé et détournait la tête, pour ne pas les saluer. Rosine fut exclue d’un Comité de bienfaisance, où elle travaillait assidûment depuis plusieurs années.

Dans cette réprobation patriotique, les femmes se distinguaient par leur acharnement. L’appel de Clerambault au rapprochement et au pardon ne trouvait pas d’adversaires plus enragés. — Il en a été de même partout. La tyrannie de l’opinion publique, cette machine d’oppression, fabriquée par l’État moderne et plus despotique que lui, n’a pas eu, en temps de guerre, d’instruments plus féroces que certaines femmes. Bertrand Russell cite le cas d’un pauvre garçon, conducteur de tramway, marié, père de famille, réformé par l’armée, qui se suicida de désespoir, à la suite des insultes dont le poursuivaient les femmes du Middlesex. Dans tous les pays, des centaines de mal heureux ont été, comme lui, traqués, affolés, livrés à la tuerie, par ces Bacchantes de la guerre… N’en soyons pas surpris ! Il faut, pour n’avoir pas prévu cette frénésie, être de ceux qui, tel jusqu’alors Clerambault, vivent sur des opinions admises et des idéalisations de tout repos. En dépit des efforts de la femme afin de ressembler à l’idéal mensonger imaginé par l’homme pour sa satisfaction et sa tranquillité, la femme, même étiolée, émondée, ratissée, comme l’est celle d’aujourd’hui, est bien plus près que l’homme de la terre sauvage. Elle est à la source des instincts et plus richement pourvue en forces, qui ne sont ni morales ni immorales, mais animales toutes pures. Si l’amour est sa fonction principale, ce n’est pas l’amour sublimé