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seaux. Presque aucun ne chercha à lire les pages de Clerambault. Cela n’était plus nécessaire : Bertin les avait lues. La confrérie n’a pas l’habitude de refaire un travail superflu. Il ne s’agissait pas de lire. Il s’agissait de juger. Une curieuse « Union Sacrée » s’effectua sur le dos de Clerambault. Cléricaux, jacobins, s’entendirent pour l’exécuter. Du jour au lendemain, sans transition, l’homme hier admiré fut traîné dans la boue. Le poète national devint un ennemi public. Tous les Myrmidons de la presse y allèrent de leur invective héroïque. La plupart étalaient, avec leur mauvaise foi constitutive, une invraisemblable ignorance. Bien peu connaissaient les couvres de Clerambault, c’est à peine s’ils savaient son nom et le titre d’un de ses volumes : cela ne les gênait pas plus pour le dénigrer maintenant que cela ne les avait gênés pour le célébrer naguère, quand la mode était pour lui. Maintenant, ils trouvaient dans tout ce qu’il avait écrit des traces de « bochisme ». Leurs citations étaient, d’ailleurs, régulièrement inexactes. Un d’eux, dans la fougue de son réquisitoire, gratifia Clerambault de l’ouvrage d’un autre, qui, blêmissant de peur, protesta aussitôt avec indignation, en se désolidarisant de son dangereux confrère. Des amis, inquiets de leur intimité avec Clerambault, n’attendirent pas qu’on la leur rappelât : ils prirent les devants ; ils lui adressèrent des « Lettres ouvertes », que les journaux publièrent en bonne place. Les uns, comme Berlin, joignaient à leur blâme public une adjuration emphatique de faire son mea culpa. D’autres, sans recourir même à ces