— Je ne m’occupe pas de cela. Oui, ou non, as-tu écrit contre la guerre, contre la patrie ?
— J’ai écrit que la guerre est un crime, et que toutes les patries en sont souillées…
Camus bondit, sans permettre à Clerambault de s’expliquer davantage, fit le geste de l’empoigner au collet, et, se retenant, il lui souffla à la face que le criminel, c’était lui, et qu’il méritait de passer illico en conseil de guerre.
Aux éclats de sa voix, la domestique écoutait à la porte. Mme Clerambault, accourue, tâchait d’apaiser son frère, avec un flot de paroles sur le mode suraigu. Clerambault, assourdi, offrait vainement à Camus de lui lire la brochure incriminée ; mais Camus s’y refusait avec fureur, disant qu’il lui suffisait de connaître de cette ordure ce que les journaux en exposaient. (Il traitait les journaux de menteurs ; mais il ratifiait leurs mensonges). Et, se posant en justicier, il somma Clerambault d’écrire sur-le-champ, devant lui, une lettre de rétractation publique. Clerambault haussa les épaules ; il dit qu’il n’avait de comptes à rendre qu’à sa conscience, — qu’il était libre…
— Non ! cria Camus.
— Quoi ! Je ne suis pas libre, je n’ai pas le droit de dire ce que je pense ?
— Non, tu n’es pas libre ! Non, tu n’as pas le droit ! criait Camus, exaspéré. Tu dépends de la patrie. Et d’abord, de la famille. Elle aurait le droit de te faire enfermer !
Il exigea que la lettre fût écrite, à l’instant. Cléram-