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Pourvu que les autres, là-bas, fussent vaincus ! Non, il ne fallait pas que le sang du fils mort eût été versé en vain…

Et Clerambault pensait :

— Faut-il que, pour le venger, d’autres vies innocentes soient aussi sacrifiées ?

Et, au fond de ces braves gens, il lisait :

— Pourquoi pas ?

Il le lut chez presque tous ceux à qui, comme aux Calville, la guerre avait pris le plus cher, un fils, un mari, un frère…

— Que les autres souffrent aussi ! Nous avons bien souffert ! Il ne nous reste plus rien à perdre…

Plus rien ? Si fait, une seule chose, que le farouche égoïsme de ces deuils gardait jalousement : leur foi en l’utilité du sacrifice. Que rien ne vienne l’ébranler ! Défense de douter que la cause ne soit sainte, pour qui leurs morts étaient tombés. Ah ! qu’ils le savaient bien les maîtres de la guerre, et comme ils s’entendaient à exploiter ce leurre ! — Non, il n’y avait aucune place à ces foyers en deuil, pour les doutes de Clerambault et son esprit de pitié.

— Qui a eu pitié de nous ? pensaient ces malheureux. Pourquoi en aurions-nous ?…

Il en était de moins éprouvés ; mais ce qui caractérisait presque tous ces bourgeois, c’était l’emprise son laquelle ils vivaient des grands mots du passé : « Comité de Salut Public… La Patrie en danger… Plutarque… De Viris… Le vieil Horace… » Impossible qu’ils regar-